Violence : qu’en disent les jeunes ?
JEUNESSE

Violence : qu’en disent les jeunes ?

Marlène CLÉOMA, m.cleoma@agmedias.fr
Violence: la parole aux jeunes Guyanais
Violence: la parole aux jeunes Guyanais • @M.C

Ils sont de plus en plus jeunes. Ils sont les victimes ou les auteurs de drames qui choquent l’opinion. Depuis le début de l’année, ces tragédies violentes se multiplient sur le département avec leurs morts et blessés. Une violence qui, si elle ne touche pas que les quartiers populaires, est d’abord une plaie pour les populations les plus fragiles. France-Guyane est allé à la rencontre de cette jeunesse. Elle nous explique sa réalité. Micro-trottoir.

La Rue », 19 ans,« La violence se règle par la violence »

Il se présente sous le surnom de « La Rue », 19 ans, habitant de Matoury : « Cette violence n’est pas justifiée mais elle est certifiée, c’est le rituel, c’est la rue, c’est la vraie vie. Porter une arme sur moi, c’est comme mettre mon caleçon, je ne peux pas sortir sans. Comme on dit, la violence se règle par la violence et les règlements de comptes entre bandes rivales, c’est être solidaire, c’est la loi de la rue ».

Iricia, 17 ans, « S’ils ne s’en sortent pas, parfois c’est leur choix »
 

Iricia est étudiante, habitante de Macouria, cette vague de violence l’inquiète« Personne ne fait rien pour améliorer les choses, j’aimerais que cette violence s’arrête… Ce n’est plus possible de vivre comme ça, dans la peur. Ça m’inquiète vraiment. Certains jeunes, c’est par pur vengeance qu’ils tuent. Rien ne peut justifier le fait de tuer ou de tirer sur quelqu’un. Les parents envoient leur enfant à l’école pour travailler et avoir un métier, s’ils ne s’en sortent pas, parfois c’est leur choix ».

Teacha, habitant du Village Chinois de Cayenne, « Les jeunes sont matrixés »
 

« Teacha » est son surnom. Habitant du Village Chinois de Cayenne
, il se présente comme un ancien « délinquant ». Aujourd’hui, il joue le rôle de grand frère, celui qui tente de raisonner les jeunes du quartier. Chanteur, Teacha a sorti récemment un titre intitulé « Vòlò pa ka bay » :

« Les jeunes d’aujourd’hui suivent les mauvais exemples. Ils voient les grands faire des bêtises et eux-mêmes ils sont « matrixés », ils veulent faire de même. S’il n’y a pas de grands ou les parents pour leur dire d’arrêter, ils vont tester. Et eux aussi ils veulent goûter la prison. J’ai grandi au Village Chinois, j’étais aussi dans la délinquance. J’ai vu beaucoup de choses, aujourd’hui j’ai changé. Braquer, voler, tirer sur quelqu’un pour une chaîne en or, tuer quelqu’un pour ses biens… Tout cela n’amène à rien. Il y a le karma, Dieu existe. Il vaut mieux travailler pour avoir ses affaires. Je conseille aux jeunes de ne pas se laisser entrainer par ces choses. Jouer les bad boys au final emmène en prison ou pire. Il faut aussi que les mairies, les entreprises donnent du travail aux jeunes au lieu de leur vendre du rêve. Beaucoup de jeunes ont envie de travailler mais comme ils ne trouvent rien, ils sont obligés d’aller voler. Si les jeunes trouvaient un travail, je pense qu’il y aurait eu moins de délinquance, c’est ce qui manque. Et je comprends certains, ils n’ont pas de soutien, ils ont besoin de vivre, ils n’ont pas d’autres choix que de voler. Ce n’est pas parce qu’un jeune sort de prison, qu’il faut de suite le mettre dans une association spéciale pour jeunes délinquants. Il faut leur donner leur chance, comme ça ils vont arrêter de voler pour se nourrir. J’ai connu ça et grâce à Madame Marie-Laure Phinera Horth lorsqu’elle était encore maire, j’ai changé. Elle m’a donné ma chance et j’ai arrêté les conneries. Maintenant j’ai un boulot, un salaire et ça va bien comme ça. Respect à cette dame car elle a sorti beaucoup de jeunes de la délinquance ».

Sansand, 18 ans, habitant de Cabassou, « J'aurais aimé avoir une vie meilleure »

Ce jeune homme qui se présente sous le pseduo de Sansand tente de vivre de sa musique. Pour lui cette délinquance est justifiée :

« Les gens veulent se nourrir, ils veulent de l’argent pour vivre, c’est la rue, on est obligé de voler parfois. On aurait aimé avoir une vie meilleure, avoir un travail et un salaire. Comme ça on aurait arrêté de braquer, de voler ou autre. Il y a aussi beaucoup de règlements de comptes en Guyane. C’est chaud mais c’est comme ça : si on a un problème, on sait comment le régler c’est tout. On aurait aimé que ça soit comme avant : se battre avec les mains, sans les armes, mais aujourd’hui on est obligé de s’adapter, donc on s’adapte. Si je marche avec une arme, c’est pour ma protection. D’autres c’est pour braquer, faire leur vie de pauvre… Il y a des gens qui vivent dans des ghettos que personne ne voit. Ils n’ont rien, pas de maison, ils sont obligés de voler. S’ils font un braquage qui tourne bien, ils ont un peu d’argent, il en donne un peu à leur mère… A pou la famille ki nou ra fè’l ».

David a 19 ans, habitant de Balata, de Matoury, « Je ne veux pas mourir »

Pour cet étudiant qui réside à Balata  Matoury, la violence ne date pas d’aujourd’hui :

« C’est le ghetto ici, c’est Balata. On ne va pas se mentir, c’est chaud. Ça ne date pas d’aujourd’hui, même avant que je sois né c’était comme ça. La violence devient de plus en plus fréquente. Les jeunes de mon âge sont de plus en plus armés pour des règlements de comptes, des histoires de quartiers... La plupart s’arme pour se protéger, pas forcément pour aller faire du mal à quelqu’un. Ça me fait un peu peur, car je ne veux pas mourir, mais on s’y habitue. C’est la Guyane... L’État ne fait rien pour les jeunes. Et s’ils font quelque chose, c’est très difficilement accessible administrativement. Ça prend du temps, donc au final on ne va pas au bout ».
 
Kevin, 23 ans, habitant de Balata, Matoury, « Ils veulent se montrer »
 
« Nous ne sommes pas en sécurité dans notre pays. Aujourd’hui, les jeunes fument de plus en plus tôt, ils veulent se montrer, ce n’est pas toujours un problème de travail. Moi je suis né ici, j’ai des problèmes pour avoir mes papiers, mais j’essaye de vivre honnêtement et dignement, je fais des jobs, même si ce n’est pas toujours facile ».

Samantha, mère de famille, « Il faut venir en aide aux jeunes »

Samanttha, âgée de 38 ans est mère de famille, elle ne comprend pas les raisons de cette violence « Je n’aime pas ce qui se passe en ce moment, j’aimerais que ça s’arrête. Je ne comprends pas que les jeunes soient obligés de s’entre-tuer. Il y a des jeunes qui font ça car il n’y a pas de travail pour tout le monde, mais ce n’est pas la solution. Il faut que les entreprises, les mairies collectivités… puissent venir en aide à ces jeunes qui en ont besoin ».
 
Le titre de Teacha intitulé « Vòlò pa ka bay» à découvrir et redécouvrir ici:

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