Ce jour là : le 14 juin 1962, la population guyanaise subit une répression violente qui marquera son histoire
HISTOIRE

Ce jour là : le 14 juin 1962, la population guyanaise subit une répression violente qui marquera son histoire

Marie Odry
Photo d'archives du mouvement du 14 juin
Photo d'archives du mouvement du 14 juin • PAGE FACEBOOK RODOLPHE ALEXANDRE

C’était il y a 60 ans. Le 14 juin 1962. Date à laquelle la population guyanaise subit une répression violente lors d’une manifestation. Pour défendre leur volonté de certains changements du territoire, environ 1000 manifestants marchent dans les rues de Cayenne ce jour-là. Quelques jour plus tard, Justin Catayée, député guyanais, en déplacement à l’Assemblée Nationale, rentre pour soutenir son territoire et décède dans le crash de son avion.

 Un statut spécial pour la Guyane était une revendication depuis plusieurs années. Lors de la réforme constitutionnelle de 1958 du général de Gaulle, la Guyane souhaitait déjà aller vers un changement de statut. La situation s’est durcie entre 1959 et 1960 lorsque, Justin Catayée, député de Guyane et son parti, le Parti socialiste guyanais (PSG), constitué de l’Union du Peuple Guyanais, le Réveil Progressiste guyanais continuent de soutenir cette idée.
Une mobilisation se déclenche alors en décembre 1961, lorsque le gouvernement décide d'accorder l’autonomie de la gestion aux Comores. Le Front Démocratique Guyanais (FDG)  s'engage dans une unité d’action.
Quelques mois plus tard, l'Etat décide d'établir la Légion étrangère en Guyane après la fin de la guerre d’Algérie. Une décision qui déclenche le 7 juin 1962, la décision d'organiser une manifestation pacifiste menée par le FDG. Celle-ci est prévue pour le 14 juin 15 heures, devant le siège du PSG.
Les manifestants veulent la fermeture du territoire de l’Inini, un territoire qui ne dispose pas du statut de département, et qui scinde la Guyane. Ils disent non à la Légion Étrangère en Guyane et demandent un statut d’autonomie.
 
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Des interpellations violentes
Environ 1 000 personnes auraient manifesté dans les rues du centre-ville ce jour-là et certains artisans auraient même fermé leur commerce pour rejoindre le mouvement. Mais à midi : retentissement.
Les organisateurs sont alertés par un courrier du maire de Cayenne de l’époque, Roland Barrat, qui interdit cette manifestation par un arrêté de René Érignac, le préfet (père de Claude Erignac assassiné à Ajaccio en 1998 ndlr).
Immédiatement, les forces de l’ordre sont positionnées à la place des Palmistes, devant la préfecture, devant la maison du Peuple et encerclent les rues du centre-ville pour contrôler la foule fusils à la main.
Néanmoins, cette dernière prise dans l’élan est grandissante, l’information n’est pas entendue par tout le monde. Environ 300 personnes sont réunies au local du Parti Socialiste Guyanais et la situation dégénère : les forces de l’ordre entrent et matraquent hommes, femmes et enfants.
Au total, une quinzaine de manifestants sont arrêtés et certaines personnes sont blessées. Les manifestants ont été effrayés par cette répression violente, comme Antoine Karam, ancien président du Conseil régional de la Guyane, alors âgé de 12 ans au moment des interpellations : “Je m’en souviens encore de la violence de ce jour-là, le local a été retourné ”.

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Soutien de Justin Catayée à l’Assemblée Nationale
Le député Justin Catayée était à Paris à ce moment-là. En pleine session parlementaire. Il est alors alerté par la violente répression que subit la population du territoire.
Il déclara : « A l’heure où je vous parle, toute la population guyanaise est massée dans les rues de Cayenne. Ma pensée s’élève vers elle. Je souhaite que certains fous ne s’égarent pas ! ».
Quelques jours plus tard, le 19 juin, à l’Assemblée Nationale, il évoque les incidents du 14 juin 1962 à Cayenne, qu’il ressent comme “un outrage à la démocratie” : « C'est peut-être la dernière fois que j’interviens dans cette Assemblée. Je veux avoir la possibilité de défendre la cause de mes compatriotes … » Mais son intervention fut interrompue de manière brutale par le Président de la chambre basse de l’époque, Chaban-Delmas.

En guise de soutien, il écourte son voyage à Paris et prend l’avion le 22 juin afin d’être à la tête du défilé de protestation programmé par le FDG pour le 25 juin et alors défendre sa population.

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Lors de son retour, son vol s’écrase à Deshaies, en Guadeloupe. Tous les passagers sont tués. Une fin tragique pour cet homme qui souhaitait continuer sa mobilisation.
En son hommage, la rue Voltaire fut renommée rue Justin-Catayée. C'est dans cette rue que se trouvait au numéro 32 le premier siège du Parti Socialiste Guyanais, fondé par ce député en 1956.

En 1962, la Guyane detenait un peu moins de trente-cinq milles habitants, mais cette date reste dans les mémoires comme une journée symbolique de rébellion contre le statut de départementalisation du territoire guyanais.

Pour aller plus loin : Retour sur une page de l’Histoire de Guyane – “Le Guet-apens” : le 14 juin 1962, la population guyanaise subissait une répression qui marquera l’histoire du pays

Publication de Rodolphe Alexandre sur facebook ce jour disponible sur ce lien.

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